Les vignes en terrasses, une solution en forte pente : zoom sur 2 pratiques mises en place dans le Beaujolais

Lundi 17 juillet 2023, le Domaine Bulliat puis le Domaine Canard ont présenté à une vingtaine de vignerons leur pratique de vignes en terrasses avec deux modes de conduite différents : terrasses en vignes larges et terrasses en vignes étroites. Cette demi-journée technique coorganisée par AGRIBIO Rhône & Loire et le Syndicat mixte des rivières du Beaujolais a été l’occasion de mettre en avant cette pratique très peu développée en Beaujolais mais autorisée à condition de respecter le cahier des charges des appellations.

 

Il faut savoir que dans le vignoble Beaujolais, plus de 800 ha sont sur des pentes à plus de 30% et 1 300 ha à plus de 20%. Dans les sols viticoles, le taux d’érosion moyen est de 12 t/ha/an, soit environ 25 cm de terre en bas de coteau. Au-delà d’une perte de 1 t/ha/an, on estime que le système est déséquilibré : la production du sol est dépassée par l’érosion, notamment la perte de la matière organique et de l’azote. « La mise en place de vignes en terrasses avec l’appui d’une zone tampon bien dimensionnée et entretenue, intercepte 50 à 90% des eaux de ruissellement et atténue les concentrations de pesticides dans les sols et dans les eaux de rivières », analyse Alice Patissier, chargée de mission au Syndicat mixte des rivières du Beaujolais.

Pratique 1 : vignes larges en terrasses au Domaine Bulliat

 

Daniel Bulliat accompagné de son fils Régis, à la tête d’un domaine de 22 ha dont 8 ha seront convertis en bio à compter de ce millésime 2023, font découvrir à leurs homologues leur parcelle de vignes en terrasses de 0,9 ha plantée en 2017 au chemin de Rochefort à Beaujeu.

« Avant, ce tènement était composé de trois parcelles. Dans notre volonté de supprimer les herbicides et de garder nos vignes en coteaux, nous avons opté pour cette plantation en terrasses, l’idée étant aussi d’optimiser la longueur des rangs afin de réduire les manœuvres en tracteur et de gagner du temps », explique Daniel.

Un travail de préparation important

Cette parcelle en terrasses (pente maximale de 40 %) d’une densité de 5 000 pieds/ha avec un écartement de 2,5 m x 0,80 m a nécessité une préparation importante, entre 10 000 et 15 000 € pour son profilage (enrochement), sans compter l’entretien pendant deux ans avant la plantation des greffes. Palissée (1 de fil de baguette, 2 fils releveurs et 1 fil de cime), la vigne en terrasses comporte des inter-rangs sur lesquels on retrouve des couverts végétaux en hiver. Les deux vignerons utilisent une herse rotative et procèdent à un griffage deux à trois fois par an. Sous le cep, ils optent pour une lame interceps pour un seul côté, une décavaillonneuse s’il y a trop de terre et des disques émotteurs deux fois par an.

« C’est un gros travail d’installation car les terrasses sont peu stables la première année. Plusieurs glissements de terrains ont emmené des greffes ou décalé le rang. Mieux vaut attendre deux à trois ans la stabilisation des terrasses grâce à l’enherbement pour planter la vigne« , conseille Daniel.

 

 

bulliat voulait optimiser la longueur des rangs afin de réduire les manœuvres en tracteur.

Un temps de travail supérieur de 20 à 30 %

Pour cette parcelle expérimentale qu’ils souhaitent déjà dupliquer sur d’autres secteurs pentus, ils relèvent quelques inconvénients. Outre la stabilisation des talus, Daniel et Régis ont constaté un temps de travail supérieur de 20 à 30 % par rapport à une vigne large de 2 m face à la pente, des mortalités de pieds à cause des impacts du Rotofil – « ce qui est moins le cas maintenant que les racines sont plus profondes » – et des rendements limités (30 hl/ha) en raison de la faible densité de plantation. La récolte 2023 fera certainement exception à en constater la charge.

Pratique 2 : vignes étroites en terrasses au Domaine Canard

Marc Canard et son fils Vincent sont à la tête d’un domaine de 15 ha en appellations Beaujolais-Villages, Fleurie, Morgon dont la moitié des vignes sont en pente.

« 90 % des raisons de l’adoption de cette méthode sont liées à la lutte contre l’érosion des sols sur nos parcelles. Ce n’est pas du pur bonheur mais presque. En tout cas, c’est un confort de travail », confie Vincent. S’il y a bien un atout que Marc a pu transmettre aux participants à la demi-journée, c’est bien celui-ci. Cette pratique mise en place au départ sur une parcelle de 0,21 ha représente aujourd’hui plus de 65 % des surfaces de l’exploitation.

L’inter-rang travaillé

Contrairement au domaine Bulliat, Marc n’est pas reparti de zéro et a adapté son mode de conduite en terrasses. Pour le travail de terrassement, environ 10 heures par hectare de mini-pelle ont été nécessaires pour créer les passages après la plantation, plus un passage avec une fraise rotative. Le coût de production s’élève à environ 10 000 €/ha, auquel s’ajoute un surcoût annuel d’environ 500 à 1 000 € lié à l’apport de matière organique.

Avec une densité de 7 500 ceps/ha et un écartement de 1,60 m x 0,80 m, Marc et Vincent travaillent le sol de l’inter-rang avec l’aide de chenillards munis de fraise rotative et de dents vibroculteurs, ainsi que de charrues et d’une lame décavaillonneuse sous le cep. Comme Régis et Daniel, ils utilisent le Rotofil pour raccourcir les herbes sur talus et, si besoin, sous le cep. « On a eu de la piloselle au début mais les graminées reviennent vite notamment où la vigne est la plus vigoureuse. Un des défauts que nous pouvons constater, c’est que les ceps ne sont pas assez hauts à l’image du fil de baguette qui est trop bas », reconnait Marc.

vincent canard et son père marc font partie du groupe dephy viti bio en beaujolais

Moins de pénibilité, notamment pour les vendanges

Au rayon des avantages, les deux vignerons n’ont pas constaté d’érosion suite à d’importantes précipitations. « Au contraire, l’eau reste bien dans les rangs », analyse Vincent. En faisant le choix des vignes en terrasses, ils se réjouissent également de pouvoir mécaniser les parcelles pentues à l’aide de tracteur vigneron. Enfin, et c’est le point mis en avant par Marc : cette pratique réduit la pénibilité pour les travaux manuels. « On s’en rend compte lors des vendanges : le débit de récolte des vendangeurs est plus rapide », ajoute-t-il. Inversement, les vignerons notent quelques inconvénients, notamment le prix des chenillards, la vendange plus délicate à mécaniser et des difficultés à pouvoir tourner en bout de rang, d’où l’importance d’avoir un chemin suffisamment large.

 

Partager l'article